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L’apparente controverse jurisprudentielle relative à la question du droit à l’indemnité d’assurance pour vol, à la suite d’une fraude.

July 17, 2017

Dans l’affaire 6916643 Canada inc. c. Intact, compagnie d’assurances1, dans le cadre d’une demande pour permission d’appeler, la Cour d’appel s’est prononcée sur la question du droit à l’indemnité d’assurance pour vol, lorsque survient, dans les faits, une fraude.

La requérante 6916643 Canada inc. avait vendu et remis un bien à un tiers, mais avait reçu, pour seul paiement, un chèque certifié falsifié. Elle réclamait donc la valeur du bien à son assureur, Intact, prétendant avoir été victime d’une fraude, assimilable à un vol. Son contrat d’assurance prévoyait en effet une protection d’assurance «tout risque», la garantie couvrant « tous les risques pouvant directement atteindre les biens assurés», lesquels incluaient «les marchandises, le matériel et les améliorations locatives».

Le jugement de première instance2 concluait que la fraude dont avait été victime la demanderesse ne pouvait être considérée comme un vol et qu’aucune indemnité d’assurance ne devait lui être versée par son assureur, Intact.

En appel, bien que la requérante invoquait une controverse jurisprudentielle, la Cour en a nié l’existence et a confirmé le jugement de première instance.

Pour ce faire, elle a eu recours au raisonnement élaboré dans l’affaire Commerce & Industry Insurance Company of Canada c. Giovanni Management inc.rendue en 1985, dans un cas fort semblable. La Cour d’appel avait alors déterminé qu’il ne s’agissait pas d’un dommage physique comme celui que cause un vol, mais uniquement d’une «perte de recouvrement en raison d’un subterfuge», étant donné que la victime avait consenti à remettre la marchandise, tout comme dans le présent cas.  Cet arrêt a été suivi à quelques reprises, à l’exception de deux décisions, datant de 1997 et de 2015, qui ne réfèrent par ailleurs d’aucune façon aux enseignements de la Cour d’appel en 1985.

En ce qui concerne la requérante 6916643 Canada inc., le juge Parent a donc conclu que l’état du droit est celui énoncé dans l’arrêt Commerce Industry. Le fait que le libellé du contrat d’assurance prévoie que sont couverts «tous les risques pouvant directement atteindre les biens», plutôt que «all risks of direct physical loss or damage», comme dans l’affaire Commerce Industry, ne peut mener à une quelconque distinction selon la Cour.

On peut donc conclure de façon générale que, lorsqu’un bien est obtenu par la ruse et remis volontairement à un tiers par son propriétaire, sans usage de la force ou dommage physique, on ne peut parler d’un vol au sens de la police d’assurance standard en dommage direct, même en cas de protection tout risque, aucun événement n’ayant directement atteint ou endommagé le bien.

Une nuance pourrait toutefois être apportée si le libellé de la police concernée divergeait des clauses étudiées dans le cadre des deux décisions rendues par la Cour d’appel. En effet, bien qu’un principe général puisse être dégagé de ces arrêts, il y a toujours lieu de référer au libellé spécifique de la police d’assurance applicable, afin de déterminer si ces principes sont conformes à la couverture d’assurance accordée à l’assuré. À titre d’exemple, certaines extensions de garantie couvrent spécifiquement la perte de propriété en cas d’acte frauduleux ou de fausses allégations. [4]

 


[1] 2017 QCCA 660.

[2] 6916643 Canada inc. c. Santos Guzman, 2017 QCCQ 4242.

[3] J.E. 85-289 (C.A.).

[4] Nadon Sport Inc. c. Axa, cie d’assurances, 2005 CanLII 18011 (QC CQ).

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