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L’annulation du jugement déclaratif de décès : la Cour d’appel précise le régime applicable au retour de l’absent

October 31, 2023

Dans un arrêt du 6 septembre 2023, dans l’Affaire Re Imanpoorsaid, 2023 QCCA 1111, la Cour d’appel précise les règles applicables au régime du retour établi par le Code civil du Québec ainsi que les règles en matière de la preuve à considérer.

Dans cette affaire, Mme Deborah Carol Riddle porte en appel un jugement de la Cour supérieure accueillant la demande en annulation du jugement déclaratif de décès de son conjoint, M. Hooshang Imanpoorsaid prononcé le 1er décembre 2017. Les principales questions en litige soulevées devant la Cour d’appel portent sur la nécessité de signifier la demande en annulation à la personne absente, M. Imanpoorsaid, sur l’interprétation de la notion de « retour », notamment établie par les articles 97 et suivants du Code civil du Québec, et sur le fardeau de preuve applicable.

Les faits

En 2006, M. Imanpoorsaid souscrit une police d’assurance-vie auprès de Transamerica Life Canada, aujourd’hui ivari. Le 17 février 2008, M. Imanpoorsaid quitte sa famille pour ne plus réapparaître, cette dernière n’ayant plus aucune nouvelle de lui. Une enquête policière est alors menée, laquelle ne permet pas de le retrouver, mais révèle toutefois plusieurs éléments troublants, dont d’importantes dettes, un vol de l’aéroport de Montréal jusqu’aux Pays-Bas et un courriel à sa famille expliquant les raisons de son départ.

Plus de sept ans après la disparition de M. Imanpoorsaid, Mme Riddle requiert l’obtention d’un jugement déclaratif de décès afin d’obtenir le versement de l’assurance-vie souscrite auprès d’ivari. Ce faisant, le 1er décembre 2017, la Cour supérieure accueille la demande de Mme Riddle en obtention d’un jugement déclaratif de décès et déclare M. Imanpoorsaid décédé le 20 février 2015, soit sept ans après sa disparition. Le 10 septembre 2018 toutefois, ivari dépose une demande en annulation du jugement déclaratif de décès auprès de la Cour supérieure, puisqu’elle détient la preuve que M. Imanpoorsaid n’est pas décédé et qu’il se trouve présentement en Iran, son pays natal.

En première instance, la juge Geeta Narang accueille la demande d’ivari et annule le jugement déclaratif de décès. Elle souligne qu’un jugement déclaratif de décès ne fait qu’appliquer une présomption de décès basée sur l’absence d’un individu pendant sept ans. Elle précise alors que cette présomption peut être renversée et le jugement déclaratif de décès annulé si la preuve est faite, selon la balance des probabilités, que la personne déclarée décédée est en fait vivante. En l’espèce, elle conclut que les documents produits par ivari qui émanent des autorités iraniennes (registres de l’état civil, demandes de carte nationale d’identité et de passeports, entrées et sorties du pays des autorités d’immigration) prouvent de façon convaincante que M. Imanpoorsaid est toujours vivant en Iran.

Analyse et motifs de la Cour d’appel

En appel, la Cour rejette d’abord la prétention de Mme Riddle selon laquelle la demande en annulation du jugement déclaratif de décès ne peut être tranchée sans qu’elle ait été préalablement signifiée à M. Imanpoorsaid. En effet, les circonstances particulières du dossier font en sorte que le défaut de signification n’a causé aucun préjudice à M. Imanpoorsaid. Ainsi, peu importe qu’il soit absent ou présent lors des procédures en cours, le jugement statuant sur la demande en annulation du jugement déclaratif de décès aurait été identique.

La Cour se penche ensuite sur la notion de « retour » au sens de l’article 97 et s. du C.c.Q. Elle établit que cette notion doit être entendue non seulement du retour de la personne déclarée décédée à son domicile, mais également de la preuve établissant qu’elle est toujours vivante, bien qu’elle ne soit pas physiquement de retour.

La Cour précise qu’il serait contraire à l’esprit du Code civil du Québec que le registre de l’état civil ne soit pas rectifié alors qu’une personne déclarée décédée est vivante. Il est donc nécessaire de donner un sens large à la notion de « retour » afin de respecter l’objet de la loi. La considération de l’administration de la justice ainsi que la confiance du public dans la véracité des informations renfermées par le registre d’état civil sont autant de raisons qui justifient une telle interprétation. Une interprétation limitée au sens littéral du mot « retour » mènerait plutôt à des situations absurdes et permettrait d’éluder la loi.

En ce qui concerne la question relative au fardeau de preuve nécessaire pour renverser la présomption de décès du jugement déclaratif de décès, la Cour juge qu’il est inutile de trancher. Elle souligne que même en retenant la prétention de Mme Riddle selon laquelle le fardeau applicable est plus élevé que la simple balance de probabilités, la conclusion du jugement aurait été la même : la preuve administrée par ivari est forte, convaincante et non contredite. Elle démontre presque certainement que M. Imanpoorsaid est vivant.

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